Conception et application d'outils moléculaires pour la santé végétale " : Soutenance HDR

Isabelle Robène, a soutenu son Habilitation à diriger la Recherche le Lundi 2 novembre 2015 à 9h00 à l'Université du Tampon.

Résumé

L’intensification de l’émergence des maladies végétales ces 50 dernières années est en grande partie liée au processus croissant de mondialisation des échanges commerciaux et au changement climatique global. Ces facteurs favorisent l’entrée et l’installation des agents pathogènes dans de nouveaux territoires, aussi bien que la ré-émergence d’agents pathogènes déjà présents (apparition de nouveaux génotypes plus agressifs ou encore résistants à des pesticides). Ces maladies bactériennes,virales ou encore fongiques sont à l’origine d’importantes pertes de rendement. Les stratégies de lutte contre ces maladies reposent le plus souvent sur la prévention, incluant des actions de surveillance épidémiologique qui vont s’appuyer sur un ensemble de méthodes sensibles et discriminantes.

 Mes travaux de recherche menés ces quinze dernières années au Cirad se sont focalisés sur la conception et la validation de méthodes pour diagnostiquer et détecter des organismes nuisibles référencés comme organismes de quarantaine par l’OEPP1 et/ ou l’Union Européenne (directive CE2000/29/CE). Dans le cadre de ces recherches, je me suis impliquée dans l’encadrement de nombreux étudiants, Volontaires du Service Civique et stagiaires. La conception des différents outils s’appuie sur les données générées en amont par le collectif(diversité génétique, ressources génomiques, pouvoir pathogène) et bénéficie des importantes collections microbiennes mondiales constituées dans l’unité. Le développement s’appuie sur une démarche séquentielle comprenant l’analyse de la diversité de l’agent pathogène, la recherche de marqueurs nucléotidiques candidats puis le développement et l’optimisation des tests à partir de ces marqueurs. Ces travaux de méthodologie bénéficient de plus en plus de la disponibilité croissante des données issues de la génomique et de la post-génomique générées par les technologies à haut débit. Ainsi, l’émergence à la Réunion dans les années 90 de Xanthomonas axonopodis pv dieffenbachiae,responsable du dépérissement bactérien de l’Anthurium ou encore de Xanthomonas axonopodis pv.allii, agent du dépérissement bactérien des alliacées ont nécessité la mise au point de méthodes de détection plus sensibles et spécifiques que les méthodes existantes. Des outils moléculaires basés sur la réaction de polymérisation en chaine (PCR) ont été développés et contribuent aujourd’hui à la lutte contre ces maladies à la Réunion et au–delà, à travers des actions de surveillance du territoire, de contrôle aux frontières, ou encore de certification de matériel végétal sain. Les études de diversité réalisées à l’aide des méthodes AFLP (amplified fragment length polymorphism) et MLSA (multilocus sequence analysis) sur une collection mondiale de souches des cinq taxons de Xanthomonas spp. responsables de la gale bactérienne des Solanées à graines, incluant des souches collectées dans la région Océan Indien, ont posé les bases pour la mise au point d’un outil d’identification rapide de l’agent causal (thèse Azali Abdou Hamza 2007-2010). Ralstoniasolanacearum est un complexe d’espèces provoquant le flétrissement bactérien d’un grand nombred’hôtes végétaux. Un microarray, facile d’utilisation, a été développé à partir des ressources génomiques disponibles pour ce complexe d’espèces. Cet outil est capable de diagnostiquer la présence de la bactérie mais également d’identifier l’écotype d’appartenance, est une avancée importante pour l’épidémio-vigilance de ce redoutable agent pathogène, facteur limitant d’un grand nombre de cultures à travers le monde. De plus, les données de diversité sur ce complexe d’espèces ont été enrichies par un focus sur les souches de R. solanacearum pathogènes de la pomme de terre présentes à Madagascar (Thèse en cours S. Ravelomanantsoa).La validation des méthodes est nécessaire pour asseoir la robustesse des outils développés et également pour tester la portabilité de ces différentes méthodes. Il est nécessaire de s’assurer qu’un test mis au point dans les conditions particulières d’un laboratoire sera utilisable ailleurs et sur d’autres types d’équipements. Nous avons ainsi validé en collaboration avec l’Anses et selon une norme de référence européenne le test de détection par PCR de Xanthomonas axonopodis pv.dieffenbachiae à travers des tests intra-laboratoires et des essais inter-laboratoires (EIL) impliquant quinze laboratoires européens, en évaluant différents paramètres qualifiant une méthode de diagnostic, comme par exemple la sensibilité et la spécificité analytiques, la répétabilité et la reproductibilité. Ces essais de validation contribuent au référencement des différentes méthodes au niveau national (rédaction par l’Anses de méthodes officielles d’Analyse) et au niveau européen auprès de OEPP. Des brevets ont également été déposés pour certaines d’entre-elles dans le but de protéger les inventions et de guider l’exploitation commerciale des tests (choix de start-ups pour le développement de kits de diagnostic "clef en main").

Dans la continuité ces travaux présentés sur le diagnostic, je vais m’impliquer dans le diagnostic des maladies bactériennes et virales du manioc. Cela se fera dans le cadre d’un projet fédérateur porté par le Cirad et l’Ird concernant la surveillance et le contrôle des maladies et ravageurs du Manioc en Afrique et la création d’un centre d’assainissement et de certification des boutures de manioc à la Réunion (3P). La première partie de ce projet consistera à évaluer les méthodes NGS pour le diagnostic sans à priori des maladies virales du manioc, en les comparant en terme de sensibilité et répétabilité aux méthodes de diagnostic plus classiques. Ce projet se poursuivra par la mise au point ou l’adaptation de tests moléculaires de détection précoce des principaux virus et bactérie pathogènes du manioc (Cassava brown streak viruses, Cassava mosaic geminiviruses, Xanthomonas axonopodis pv. manihotis).

D’autre part, je m’oriente sensiblement depuis quelques années vers des projets plus en amont et pour lesquels la production d’outils moléculaires dépasse le cadre strict du diagnostic des organismes nuisibles. En particulier, je souhaite développer des outils moléculaires capables d’évaluer finementla valeur sélective (fitness) d’agents pathogènes. Le but est de pouvoir identifier et distinguer des variants plus agressifs ou mieux adaptés à l’environnement avec des applications à l’épidémio-surveillance. Ainsi, ce type d’outil moléculaire, basé sur la PCR temps réel et ciblant la portion viable des populations, pourra être mise en oeuvre chez Xanthomonas citri pv. citri pourra nous permettre de comparer la fitness de groupes génétiques au sein de X. citri pv. citri présentant différentes expansions géographiques et de progresser dans la compréhension de l’émergence chez X. citri pv. citri.

Publiée : 09/11/2015