Richesse spécifique, diversité génétique et structuration des populations du complexe d’espèce Bemisia tabaci sur le manioc et plantes associées dans la zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire en Afrique Centrale)

Brice Tocko, doctorant de l'Université de la Réunion et l'Université de Bangui soutiendra sa thèse de doctorat le vendredi 18 Décembre à 14h à l'amphi 120 D à l'Université du TAMPON,

Résumé

L’étude de la richesse spécifique et génétique des ravageurs des cultures, vecteurs de virus phytopathogènes, dans un contexte d’invasion biologique en milieu continental, est indispensable pour la compréhension des mécanismes qui sous-tendent les émergences virales en Afrique Sub-saharienne. Le complexe d’espèce cryptique de Bemisia tabaci est composé de nombreuses espèces dont le groupe d’espèces Sub-Sahariennes qui sont inféodées au manioc en Afrique. Celles-ci sont directement impliquées dans la vection de nombreux virus provoquant la maladie de la mosaïque du manioc (CMD) ou celle de la striure brune (CBSV). Ces maladies entraînent de fortes pertes de rendement sur les cultures de manioc, qui figurent parmi les principales plantes à racine amylacées cultivées du continent Africain. Malgré les études réalisées, la diversité des espèces d’aleurodes sur manioc dans certains pays reste inconnue. En outre, peu d’information existe sur les flux de gènes au sein des espèces et potentiellement des sous-groupes génétiques récemment décrit au sein de ces espèces. C’est dans ce contexte que nous avons réalisé une étude génétique de 898 échantillons de Centrafrique et de 667 échantillons du Cameroun au moyen de marqueurs nucléaires (microsatellites) et mitochondrial (COI). Ces analyses ont permis la caractérisation de la variabilité génétique et de la différenciation intra et inter espèce. L’effet de possibles facteurs tels que la plante-hôte et l’origine géographique des individus analysés, souvent rapportés comme facteurs de structuration génétique chez l’espèce B. tabaci ont également été testés pour (i) déterminer la nature des espèces en circulation dans ces pays, (ii) comprendre la répartition de ces populations, (iii) évaluer l’étendue de leur diversité et structuration génétique, et (iii) considérer l’apport de ces connaissances dans la gestion des populations d’Afrique centrale. Nous avons ainsi pu décrire la présence en Centrafrique et au Cameroun de 6 espèces du complexe de B. tabaci et de 5 des sous-groupes d’une espèce (SSA1) de ce complexe (SSA1-SG1, SSA1-SG2, SSA1-SG1/2, SSA1-SG3, SSA2, SSA3, MED, MEAM1 et l’IO). Les abondances des populations d’aleurodes dénombrés sur manioc coïncident à des niveaux de type « pullulation » dans l’ensemble des zones échantillonnées, mettant en avant le statut de ces pays comme situés en zone épidémique. Ce travail de thèse a permis en outre de mettre en exergue le rôle de l’espèce SSA1-SG1 (et d'un haplotype en particulier : P9H9/P18F5) dans la pullulation et l’expansion de la mosaïque africaine du manioc en Afrique centrale. Les populations de cette espèce et de cet haplotype en particulier ont été détectées comme dominantes et polyphages dans les pays échantillonnés. De même, au Cameroun, il été mis en avant que l’invasion et la pullulation de cet haplotype majoritaire pourrait être réalisé selon un processus d’invasion par hybridation avec les populations résidentes. Les données actuelles sur la distribution de cet haplotype dans ces deux pays tendent à montrer que non seulement le Cameroun et la RCA sont impactés par cette vague d’invasion mais pourraient l’être dans les pays limitrophes.

Mots-clés :CEMAC, Afrique sub-saharienne, B.tabaci, microsatellite, ADN mitochondrial, manioc, différentiation génétique, populations indigènes et invasives

Publiée : 07/12/2015