Caractérisation des espèces aphylles du genre Vanilla endémiques de Madagascar en vue de leur conservation : soutenance de thèse

Madame Felambinintsoa Cathucia Andriamihaja, a soutenu sa thèse de doctorat le jeudi 15 juillet 2021 à l'Université de la Réunion sur le Campus du Tampon, Amphithéâtre 300 et en visioconférence

Résumé

Selon les plus récentes évaluations de la biodiversité, le nombre d’espèces végétales et animales recensé est estimé à près de huit millions. Cette richesse spécifique est le produit d’un long processus évolutif résultant de l’adaptation des organismes aux changements fréquents de leur environnement. La diversité biologique est inégalement répartie sur la planète, étant majoritairement concentrée sur quelques points chauds. Appelées « hotspots », ces zones sont les plus vulnérables aussi bien aux impacts des activités humaines qu'aux changements globaux actuels, causant un déclin important de la biodiversité. C’est le cas de la région Sud-Ouest de l’océan Indien (SOOI), un centre d’endémicité en orchidées. Leader mondial en production de gousses de vanille, cette région abrite également une diversité importante en espèces aphylles endémiques appartenant au genre Vanilla Plum. ex. Miller (Orchidaceae), majoritairement distribuées à Madagascar. Les vanilliers aphylles, par leur capacité d’adaptation à la sècheresse, leur résistante aux maladies fongiques et leurs propriétés médicinales, présentent un intérêt économique et scientifique majeur. Ces espèces forment un groupe monophylétique différencié récemment (4,4 Ma) à partir d’un ancêtre folié africain. Elles ont des traits morphologiques similaires et sont indissociables à partir de marqueurs chloroplastiques, rendant leur statut taxonomique douteux. A Madagascar, elles sont réparties principalement dans les forêts sèches de la côte Ouest, classées parmi les écosystèmes les plus menacés de l’île. Dans l’objectif de dénouer la taxonomie des vanilliers aphylles et contribuer à leur conservation, des prospections suivies d’échantillonnages ont été réalisés dans plusieurs localités de Madagascar, couvrant une grande partie de leurs zones de distribution renseignées. Ensuite, une approche intégrative combinant la génétique, la biologie et l’écologie a été réalisée pour résoudre la taxonomie de ces espèces et déterminer leur statut de conservation. D’après les analyses des données microsatellites et morphologiques, la différenciation des sept groupes génétiques identifiés à Madagascar résulterait de plusieurs facteurs dont principalement les barrières géographiques (rivières), l’isolement par les facteurs environnementaux (IBE) (température, élévation, pH du sol) fortement corrélé à la géographie (IBD), et l’isolement par adaptation (IBA) de traits floraux (résultant soit de l’IBE soit d’une sélection divergente par les pollinisateurs). L’étude taxonomique intégrative (phylogénie ITS, analyse populationnelle microsatellite et morphologique) divise les vanilliers du SOOI en deux grands clades : espèces à fleurs blanches versus espèces à fleurs jaunes. Dans le clade des espèces à fleurs blanches, V. decaryana (Madagascar) et V. roscheri (Afrique de l’Est) forment chacune un groupe monophylétique tandis que V. madagascariensis (Madagascar), V. bosseri (Madagascar) et V. phalaenopsis (Seychelles) apparaissent conspécifiques (ITS), mais récemment différenciées (microsatellites). L’étude révèle également la présence de deux nouvelles espèces, réparties à l’Est, qui ont été nommées V. allorgii et V. atsinananensis et décrites. Dans le clade des aphylles à fleurs jaunes, V. perrieri (Madagascar) semble s’être différenciée de V. humblotii (Madagascar et Comores). La configuration de l’arbre ITS soutient une origine malgache de ces deux grands clades, suivie de trois colonisations indépendantes vers l’Afrique de l’Est, l’Archipel des Comores et les Seychelles. D’après les tests de pollinisations réalisés, les espèces aphylles sont auto-compatibles mais dépendent de pollinisateurs et peuvent se croiser entre elles. Les analyses de la diversité génétique, de la biologie de la reproduction et la modélisation spatiale et temporelle des niches écologiques des sept espèces malgaches suggèrent que V. allorgii et V. atsinananensis sont menacées respectivement par la faible densité des populations et une perte d’interaction avec les pollinisateurs. La fragmentation des populations naturelles de V. decaryana a entrainé une perte de diversité génétique ainsi qu’une forte consanguinité. V. madagascariensis et V. humblotii ont des zones de distribution restreintes dans le Nord, pouvant menacer leur survie à long terme. V. perrieri et V. bosseri semblent être les moins vulnérables car largement réparties le long de la côte Ouest. Des mesures de conservation ex situ et in situ sont proposées pour optimiser la conservation de ces vanilliers sauvages à Madagascar, un pays abritant une histoire évolutive impressionnante de la grande famille des Orchidaceae.

Publiée : 06/07/2021