Effets des interactions trophiques complexes sur la structure et la stabilité des communautés d'arthropodes : implications pour le Biocontrôle" : Soutenance de thèse

Monsieur Thighouart Karim , doctorant de l'Umr-Pvbmt soutiendra publiquement sa thèse de doctorat Vendredi 25 juin 2021 à partir de 14 heures en visioconférence ( accessible en amphi 115 à l' IUT de Saint Pierre)

Résumé 

Les relations entre plantes et insectes herbivores jouent un rôle clé dans la structuration des écosystèmes terrestres et régissent la dynamique des populations qui les composent. Ces relations sont souvent des interactions complexes, impliquant aussi bien des effets directs qu’indirects. Comprendre ces interactions demeure une nécessité et ce non seulement dans un objectif de mettre en place des programmes de lutte biologique, mais également afin de comprendre les dynamiques des communautés dans les écosystèmes naturels. Notre travail de recherche s’insère à l’interface entre écologie des communautés et recherche agronomique. Son objectif principal est de comprendre l’effet des interactions trophiques complexes sur la structure et la stabilité des communautés d’herbivores et de déterminer les relations entre diversité des ennemis naturels et suppression des herbivores. Les expériences ont été conçues pour tester les prévisions théoriques et les mécanismes expliquant les conséquences de ces interactions au sein des communautés. Le travail mené au cours de cette thèse comporte trois chapitres.

Dans le premier chapitre, nous avons déterminé l’impact de l’élimination d’une plante généraliste, Solanum mauritianum, sur la structure de la communauté de thrips chez Lantana camara et Ipomoea indica. L’élimination de la plante généraliste a provoqué une augmentation de l’abondance de l’espèce Franklieniella occidentalis chez I. indica. En revanche, chez L. camara, nous avons observé une diminution d’abondance de cette même espèce de thrips. Le traitement a également provoqué une augmentation d’abondance de l’espèce Hercinothrips patersonii chez L. camara. Malgré ces changements d’abondance de certaines espèces, l’élimination des fleurs de S. mauritianum n’a pas montré d’effet significatif sur l’abondance totale ainsi que la richesse spécifique de la communauté.

Dans le second chapitre, nous avons déterminé les effets indirects d’un ennemi naturel sur la coexistence des herbivores, leur développement sur une plante de qualité sub-optimale et enfin sur leurs changements de traits d’histoire de vie. Quatre communautés ont été mises en cage insect-proof et leur dynamique a été suivie sur plusieurs générations. Le modèle d’étude est constitué de trois espèces d’herbivores en compétition. Deux compétiteurs supérieurs, l’acarien Tetranychus urticae et le puceron Myzus persicae, ainsi qu’un compétiteur inférieur, le thrips Echinothrips americanus. Nous avons également intégré deux espèces d’ennemis naturels spécialistes des deux compétiteurs supérieurs : l’acarien Phytoseiulus persimilis (prédateur de T. urticae) et l’Aphidiinae Aphidius colemani (parasitoïde de M. persicae). Dans le cadre de notre expérimentation, nous avons utilisé deux espèces de plantes hôtes : le haricot (Phaseolus sp.) et le tabac (Nicotiana tabacum). Les résultats ont montré que les deux espèces d’ennemis naturels avaient un effet indirect positif sur la population du compétiteur inférieur E. americanus, favorisant ainsi sa survie, grâce à l’élimination des compétiteurs supérieurs M. persicae et T. urticae. De plus, nos résultats ont également montré que le parasitoïde A. colemani, en limitant les populations de M. persicae sur le tabac, était susceptible de provoquer un changement de plante hôte d’E. americanus vers le tabac, qui est pour lui une plante de qualité sub-optimale, avec des conséquences sur ses traits d’histoire de vie.

Dans le troisième chapitre, nous avons évalué l’effet de la diversité des ennemis naturels sur la suppression des herbivores et la stabilité des communautés. Nous avons organisé un système constitué de quatre espèces d’herbivores, Tetranychus urticae, Myzus persicae, Echinothrips americanus et Frankliniella occidentalis, et quatre espèces d’ennemis naturels, Cheilomenes sulphurea, Aphidius colemani, Amblyseius swirskii et Nesidiocoris volucer. Nous avons établi huit communautés où les espèces d’herbivores étaient invariables tandis que les espèces d’ennemis naturels étaient variables. Ceci nous a permis d’obtenir un gradient de diversité d’ennemis naturels, un gradient de liens trophiques totaux au sein du réseau trophique, et un gradient de liens de prédation intraguilde. Les résultats ont montré que la suppression de trois des quatre espèces d’herbivores dépendait uniquement de la présence ou l’absence de N. volucer. En plus de jouer un rôle sur l’abondance, cette punaise prédatrice a également eu un effet négatif sur la stabilité, augmentant le coefficient de variation des effectifs d’herbivores. Toutefois, l’effet de N. volucer sur T. urticae a été inverse, puisque l’abondance de cet acarien était positivement corrélée à la présence de l’ennemi naturel. Ce résultat nous a permis d’identifier N. volucer comme étant une espèce « keystone ». 

Publiée : 22/06/2021