Étude de la diversité et de la structuration des communautés virales à l’échelle des agro-écosystèmes : Le modèle épidémiologique des mastrévirus des Poaceae à La Réunion : Soutenance de thèse

Sohini Claverie, doctorantede l'Umr-Pvbmt soutiendra sa thèse de doctorat en Biologie moléculaire pour l’obtention du grade de Docteur de l'Université de la Réunion, le 2 Juin à 14h00 en salle 1 au 3 P au Cirad à Saint Pierre.

Résumé

Ces dernières décennies, le concept de phytovirus en tant qu'entité strictement pathogène a été particulièrement remis en question. L’ubiquité, l’abondance et la diversité des virus ont mis en exergue que ceux-ci font partie intégrante des écosystèmes. Historiquement, la majeure partie des études de phytovirologie ont porté sur une minorité de virus pathogènes des cultures, la diversité et la structure des populations virales à l’échelle des écosystèmes restant largement méconnues. Afin de mieux comprendre comment les phytovirus interagissent entre eux et avec leur environnement et comment les communautés virales s’assemblent et évoluent, il apparaît aujourd’hui essentiel de les étudier à l’échelle des écosystèmes. En particulier, les agro-écosystèmes, véritables interfaces entre mondes sauvages et cultivés, apparaissent comme une échelle pertinente. En effet, la promiscuité  entre les virus, les insectes vecteurs et de nombreuses espèces de plantes cultivées, sauvages et adventices avec différents mode de vie (annuelles vs pérennes) et aux origines multiples (exotiques vs indigènes) facilitent de nouvelles interactions pouvant aboutir à l‘émergence de nouveaux variants viraux. Néanmoins, malgré les avancés liées à la métagénomique, il reste encore difficile de caractériser l’ensemble de la diversité virale d’un environnement. Pour pallier à cette difficulté, nous avons choisi de nous focaliser sur les phytovirus du genre Mastrevirus, transmis par cicadelles et responsables de nombreuses maladies sur cultures en Afrique et dans les îles de l’océan Indien.

Dans un premier temps, nos travaux ont porté sur le développement d’une approche de métagénomique dédiée et spécifique aux virus à petits génomes à ADN circulaire tels que ceux des mastrévirus et plus largement ceux de la famille des Geminiviridae. Cette approche dénommée RCARA- NGS repose sur l'amplification en cercle roulant, le marquage des amplicons par PCR aléatoire et le séquençage haut débit Illumina avant classification des lectures obtenus par recherche de similarité et placement phylogénétique. L’utilisation de 160 étiquettes PCR uniques a permis de multiplexer jusqu’à 1200 échantillons par manipulation. Après validation de la méthodologie par clonage et séquençage Sanger, elle a été appliquée à des échantillons de Poaceae collectés à l’échelle d’un agro-écosystème de La Réunion.
L’analyse de près de 3000 échantillons représentant 30 espèces de Poaceae a permis de démontrer que 18 de ces espèces et globalement 8 % des plantes évaluées étaient infectées par des mastrévirus. De manière importante, la majorité de ces échantillons positifs ne présentaient pas de symptômes visibles de maladie. Alors que cinq espèces de mastrévirus préalablement décrites à La Réunion ont été ré-identifiées durant nos travaux, nous avons aussi pu décrire pour la première fois à La Réunion une espèce déjà connus dans la région mais surtout trois nouvelles espèces de mastrévirus et une espèce d’alphasatellite, inconnus jusqu’à lors et toutes identifiées sur plantes non-cultivées. L’analyse de la structure d’association plante-virus a permis de montrer la présence de virus spécialistes et généralistes. En particulier, la souche B du maize streak virus (MSV-B) a été retrouvée chez 15 des 18 espèces de plantes hôtes identifiées. La structure de la communauté de mastrévirus montre l’imbrication des gammes d’hôte des virus spécialistes dans celle du MSV-B maisl’absence globale de modularité. La présence en co-infection du MSV-B avec la majorité des autres mastrévirus pourrait favoriser les phénomènes de recombinaison. C’est d’ailleurs chez deux variants du MSV-B que des évènements de recombinaison avec le MSV-A ont pu être détectées.
Dans leur ensemble, nos résultats ont permis une première description de l’agencement d’une communauté de mastrévirus à l’échelle d’un agro-écosystème. La stabilité de cette communauté dans le temps et en réponse aux changements tels que ceux associés aux invasions biologiques, sera une prochaine étape dans la compréhension du rôle des virus dans les écosystèmes.

Publiée : 10/06/2020