Dynamique des agents pathogènes et comportements de résistance de l’abeille Apis mellifera unicolor suite à l’introduction Varroa destructor à La Réunion : soutenance de thèse

Monsieur Jobart Benoit doctorant de l'Umr-Pvbmt a soutenu sa thèse de doctorat le lundi 12 décembre 2022 à l'Agrocampus du 3 P au Cirad à Saint Pierre

Résumé 

L'abeille mellifère (Apis mellifera), qui rend des services à la pollinisation considérables, est confrontée à une multitude de facteurs de stress biotiques, avec notamment de nombreux pathogènes, et abiotiques, notamment les xénobiotiques, qui ont induit à un déclin de ses populations au niveau mondial.

La pathosphère de l'abeille et les interactions qui en découlent sont de mieux en mieux connues chez les sous-espèces européennes les plus cultivés en zone tempérée. Il n’existe que peu de données dans les zones tropicales et sur des sous-espèces d'autres lignées d'A. mellifera. La sous-espèce de lignée africaine A. m. unicolor est présente dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien. Elle est indigène et endémique à la Réunion.

L’introduction de l’ectoparasite Varroa destructor en 2017 a fortement impacté les colonies d’abeilles à La Réunion. Cet acarien affaiblit les abeilles et augmente leur vulnérabilité face aux pathogènes. De plus, il transporte des virus de l'abeille. La lutte chimique est le principal moyen de lutte contre le parasite. Toutefois, des mécanismes héritables de résistance ont été identifiés, encore une fois principalement sur des lignés européennes en zone tempérée.

Le premier objectif de la thèse était de compléter les connaissances sur le cycle biologique d’A. m. unicolor en zone tropicale, en se concentrant sur la production de couvain et la durée d’operculation des nymphes d’ouvrières. En effet, une réduction de cette durée pourrait réduire la reproduction de Varroa, qui se fait dans le couvain operculé. Les colonies à La Réunion ont été capables d’élever du couvain sans interruption toute l’année, avec une une variation saisonnière. La durée d'operculation des nymphes d’A. m. unicolor est de 280 h. Une étude bibliographique comparée de 72 durées d’operculation chez des abeilles de différentes lignées et des hybrides a montré que les populations africaines avaient une durée d’operculation plus courte que les populations européennes. A. m. unicolor se situe parmi les populations hybrides, qui constituent un groupe intermédiaire.

Un deuxième objectif était d'observer l’installation de Varroa destructor dans les colonies de la Réunion, et de suivre sa dynamique, ainsi que celle de deux virus, le Deformed Wing Virus (DWV) et le Chronic Bee Paralysis Virus (CBPV). Des colonies (n = 80) ont été suivies sur deux périodes d’un an et sur deux ruchers expérimentaux, sans traitements acaricide. L'installation du parasite à induit une forte mortalité, jusqu’à 85% des colonies au bout d'un an, et des taux d'infestation élevés, jusqu’à 52 acariens pour cent abeilles. Le DWV a suivi l'établissement de V. destructor dans les colonies et le taux d'infestation par V. destructor a eu un effet significatif sur sa prévalence et sa charge virale.  Le CBPV n'est apparu que de manière transitoire tout au long des suivis. Les données ont montré que, dans les colonies tropicales qui élèvent du couvain tout au long de l'année, Varroa et le DWV sont néanmoins soumis à une dynamique saisonnière qui semble influencée par les conditions environnementales, telles que la disponibilité des ressources.

Le troisième objectif du travail était de mesurer deux mécanismes de résistances d’A. m. unicolor à Varroa, le Varroa Sensitive Hygiene (VSH), qui correspond à la capacité des ouvrières à détecter et retirer le couvain parasité, et le Mite Non-Reproduction (MNR), qui correspond à la capacité à réduire le succès reproducteur des Varroa fondatrices femelles dans le couvain operculé. Les colonies d’A. m. unicolor ont montré une capacité à retirer les nymphes infestées (VSH) modérée et similaire à celles retrouvées dans des colonies d’abeilles européennes ou chez A. m. scutellata de lignée africaine. Elles ont par contre montré une proportion de MNR élevée, la moitié des fondatrices ayant une diminution de leur succès reproducteur, ce qui indiquerait une potentielle résistance d’A. m. unicolor.

L'ensemble des résultats obtenus apporte de nouvelles connaissances sur une abeille de lignée africaine en milieu tropical. Ces résultats peuvent influencer l'adaptation des pratiques apicoles locales, notamment en terme de gestion des transhumances, mais aussi dans la mise en place de programmes de sélection à Varroa destructor, tels qu'ils ont été réalisés sur des populations européennes. En effet, les variabilités observées dans les mesures de VSH et MNR suggèrent une possibilité de sélection de colonies résistantes d'A. m. unicolor à La Réunion. 

 

Publiée : 29/11/2022