Rupture des interactions mutualistes plantes à fruits charnus-vertébrés frugivores, et conséquences sur la régénération des forêts tropicales dans les Mascareignes

Albert Sébastien, doctorant de l'Umr-Pvbmt, a soutenu sa thèse de doctorat , le lundi 14 décembre 2020 sur le Campus du Tampon de l’Université de La Réunion - Amphi 300, a été également accessible par visio-conférence

Résumé

Les forêts tropicales sont largement dominées par les plantes à fruits charnus dont la dispersion est assurée par les vertébrés frugivores. L'effondrement global des grands vertébrés interroge donc quant à la résilience de ces écosystèmes, en particulier dans les îles qui concentrent l’essentiel des extinctions documentées. Les Mascareignes offrent un remarquable système d'études des ruptures d'interactions de frugivorie car la faune d'origine, pléthorique jusqu'à la colonisation humaine au17ème siècle et aujourd'hui largement éteinte, est bien connue tout comme sa flore diversifiée qui compte parmi les plus menacées. La Réunion abrite encore des forêts indigènes le long de puissants gradients environnementaux et un volcanisme actif offrant l'opportunité d'explorer sur le long terme les conséquences de la défaunation. De plus, les niveaux variables d'extinction de vertébrés frugivores entre La Réunion (pour le principal frugivore relictuel, masse bulbul = 55 g) et Maurice (masse roussette = 450 g), permettent d'utiliser ces îles comme pseudo-réplicats pour tester diverses hypothèses. Dans cette thèse, nous montrons que (1) les proportions de plantes à fruits charnus chutent avec l'altitude dans les communautés de ligneux à La Réunion ; la destruction précoce des habitats riches en plantes à (gros) fruits charnus a probablement accéléré l'extinction des frugivores à La Réunion par rapport à Maurice qui a tardivement conservé de vastes habitats favorables ; (2) la disparition des frugivores a profondément altéré la capacité des forêts de basse altitude à se rebâtir sur l'ensemble des coulées de lave historiques du Piton de la Fournaise ; sur une coulée historique, la pluie de graines et le recrutement des plantules sont très appauvris en taxa indigènes et largement dominés par les plantes exotiques envahissantes, mais les arbres indigènes à grosses gaines peuvent s’établir si la fonction de dispersion est expérimentalement restaurée ; (3) dans les forêts anciennes de l’archipel, le meilleur recrutement de nombreuses espèces ligneuses indigènes à Brise Fer(Maurice) en comparaison avec Mare Longue (La Réunion) provient probablement de la dispersion beaucoup plus efficace assurée par la roussette de Maurice. Nos résultats inquiétants montrent l'urgence de protéger les frugivores indigènes où ils existent encore et de favoriser leur retour quand ils ont disparu. Parallèlement, des semis à large échelle devraient être envisagés dans les aires protégées où le maintien voire le retour de la dynamique forestière indigène sont impératifs.

Publiée : 08/12/2020